[Témoignage] Assurer la continuité de l’activité des secteurs stratégiques en période de crise sanitaire
3 questions à Bénédicte Bonnerot, représentant la Direction du Centre Interentreprises de Santé au Travail du Tricastin (CISTT) à PierreLatte.
Afin de ralentir la propagation de l’épidémie de Covid-19 tout en garantissant la poursuite des activités indispensables à la vie de la Nation, les Services de Santé au Travail Interentreprises se mobilisent pour assurer la continuité de leur mission d’intérêt général en adaptant leur activité et leur organisation aux risques engendrés par le virus. La direction du Centre Interentreprises de Santé au Travail du Tricastin (CISTT) à Pierrelatte, témoigne.
Comment s’est organisé Centre Interentreprises de Santé au Travail du Tricastin pour faire face à cette situation inédite ?
BB : Lors de notre Commission Médico-Technique qui a eu lieu fin février, notre président nous a tout de suite alertés sur la propagation du COVID-19 et a demandé que soit mise sur pied une organisation susceptible de faire face à cette épidémie en assurant à la fois le maintien du service et la sauvegarde de la santé de notre équipe tout en maintenant le haut niveau de surveillance pour le personnel de nos adhérents. Tout d’abord, nous avons écarté tout le personnel à risque élevé (âgé ou ayant une maladie chronique) et les salariés vivant avec des personnes à risque élevé.
En temps normal nous avons un effectif de 23 professionnels de santé au travail dans le service. Pour assurer le service prioritaire minimum, nous sommes à 11 dont 4 médecins du travail qui font désormais des rotations, 4 assistantes qui sont là en permanence, pour pouvoir gérer les appels téléphoniques, les courriers, les prolongations et les visites médicales éventuelles qui doivent avoir lieu. Nous avons également notre ingénieur prévention chargée de relations adhérents qui relaye les messages de prévention et informe au quotidien les entreprises et leurs salariés de toute actualité, des mesures mises en place et des documents qui sont à leur disposition.
Quel est l’enjeu de votre activité auprès de vos adhérents dans le secteur hautement stratégique du nucléaire ?
BB : Aujourd’hui l’enjeu pour nous est que nos adhérents puissent continuer à exercer leur activité, c’est-à-dire contribuer à la production énergétique, qui est un besoin indispensable à la continuité de la vie de la Nation. Il nous faut donc absolument maintenir notre activité, qui est un maillon essentiel de la chaine, en permettant aux entreprises d’intervenir en assistance des centrales nucléaires.
Pour ce faire, nos adhérents ont pour consigne de nous faire part de toutes les demandes pour les postes demandant une visite préalable à une affectation. Ces visites doivent être faites pour tous types de postes nécessaires au fonctionnement des centrales et des autres installations nucléaires de base, par exemple : des personnes qui interviennent au cœur du réacteur, comme le personnel de nettoyage en charge de la désinfection.
Pour travailler à certains postes, des examens sont nécessaires afin de s’assurer que la santé du salarié soit compatible avec la prise de poste. Les visites d’embauches peuvent avoir lieu uniquement parce que les médecins ont en leur possession les résultats d’examens leur permettant de pouvoir émettre un avis sur l’état de santé du salarié. Ainsi, nous procédons par un premier contact téléphonique avec le salarié pour s’assurer qu’il puisse travailler et ne répond à aucun critère de risques. Une fois ce premier entretien effectué, nous proposons un créneau à la personne afin qu’il se rende dans notre service pour effectuer sa visite d’embauche avec un médecin du travail.
Comment exercez-vous votre activité durant cette période ?
BB : Nous avons repensé l’activité durant cette période en priorisant au mieux toutes les visites.
Les visites sont faites par les médecins du travail via un entretien téléphonique préalable et systématique pour tous les salariés. Elles sont faites notamment pour les prolongations d’aptitudes afin de s’assurer que l’état de santé du salarié lui permet d’occuper son poste de travail. En effet, les documents ou les aptitudes que nous délivrons ont une date limite. Ces dates arrivant à terme, les salariés ont besoin d’une nouvelle attestation pour leur permettre de pouvoir rentrer à nouveau en zone. C’est pourquoi nous délivrons des prolongations d’aptitude de six mois, à toute personne ayant bénéficié de cet entretien et lui permettre de continuer son activité. Le médecin peut aussi juger utile de voir le salarié avant de délivrer une prolongation. Auquel cas, il sera invité à se rendre au service de santé pour pouvoir faire la visite en direct.
Sont invités à venir uniquement les salariés qui nécessitent une visite physique. Pour réaliser ces visites, toutes les précautions nécessaires sont prises pour protéger les salariés comme les professionnels de santé. En cas de présentation d’un salarié qui manifesterait un état grippal, une toux ou une fièvre, nous avons prévu une procédure spécifique : il doit patienter dans une salle d’attente prévue séparée. Un masque lui est remis afin que les médecins puissent l’examiner et déterminer s’ils peuvent traverser la salle d’attente et être en contact avec les autres personnes. Si ce n’est pas le cas, l’examen se fait dans une salle dédiée à part. Si le salarié présente tous les signes du Covid-19, les médecins appliquent les consignes de la Direction Générale de la Santé sur la prise en charge d’un cas suspect. Toutefois, une personne qui pense avoir été en contact avec un malade ou qui pense être infectée ne devrait pas se présenter à notre centre. L’orientation doit se faire en amont.
Cette procédure est valable aujourd’hui et risque de plus l’être demain.
Nous nous préparons d’ores et déjà à un confinement qui va durer plus de 15 jours. Nous sommes en train de réfléchir à une autre organisation afin de préserver le personnel qui est en service minimum et qui fournit un maximum d’efforts en cette période de crise. Nous envisageons notamment des rotations d’équipe d’une semaine sur l’autre pour anticiper la fatigue qui ne manquera pas de se faire sentir compte-tenu de l’intensité de l’activité…